Paris, le jeudi 11 février 2016 – Au lendemain du suicide du professeur Jean-Louis Mégnien à l’hôpital Georges Pompidou le 17 décembre dernier, les témoignages ont afflué sur les situations de "harcèlement professionnel" qui seraient nombreuses au sein des établissements hospitaliers. Celles-ci auraient des aspects divers : des agissements inappropriés pourraient être soit le fait des directions administratives, soit émaner des "confrères" et collègues. La forme prise par ces harcèlements et plus encore leur origine demeurent imprécises. Cependant, dans un communiqué diffusé fin janvier, le Mouvement de défense de l’hôpital public (MDPH) donnait quelques exemples : « humiliations en public répétées, mises au "placard" sanctions arbitraires apprises par mail sans entretien préalable, espionnage du courrier, non-réponse aux lettres et aux demandes de rendez-vous, réduction des personnes à leur production de T2A » énumérait l’organisation.
Le harcèlement comme mode de management
Combien sont-ils, les médecins, mais aussi infirmiers, pharmaciens, aides-soignants, étudiants à subir de telles brimades et mises à l’écart, qui chez certains peuvent conduire à la révélation ou à l’aggravation de troubles psychiques, parfois graves ? Dans son essai intitulé Le harcèlement au travail, mémoire au combat, publié en 2013 et tiré en grande partie de son expérience, le docteur Elisabeth Dès, ancien urgentiste à l’hôpital Purpan et aujourd’hui installée en libéral affirmait dans un entretien à La Dépêche du Midi avoir découvert que « le harcèlement moral est un mode de management, couramment pratiqué dans le milieu médical ».
Phénomène généralisé
Ces observations, qui rejoignent les constatations établies par plusieurs syndicats, semblent confortées par les résultats du sondage réalisé sur notre site du 10 au 25 janvier. Invités à indiquer s’ils avaient connaissance, dans leur entourage, d’un confrère hospitalier victime de harcèlement professionnel, une large majorité de lecteurs du JIM, à hauteur de 74 %, a répondu positivement. Ils ne sont que 20 % à affirmer ne pas compter parmi leurs confrères hospitaliers de professionnel subissant un comportement inapproprié de la part de sa direction ou de ses collègues. Enfin, 7 % de nos lecteurs, peut-être incertains quant à la définition, il est vrai imprécise, de la notion de "harcèlement" professionnel ont préféré ne pas se prononcer, hésitants probablement à qualifier ainsi des faits, pourtant dérangeants, dont ils ont connaissance.
Sondage réalisé du 26 janvier au 8 février 2016
La France, mauvaise élève dans toutes les disciplines
Ces résultats, même s’ils ne permettent pas de distinguer les cas dans lesquels le harcèlement provient de la direction ou des pairs, confirment la fréquence de pratiques totalement inadaptées et non respectueuses de chacun. Cette situation est très certainement le fruit de phénomènes multiples : inexpérience managériale de nombreux responsables hospitaliers, pression des nouvelles contraintes tarifaires et budgétaires, principes de nomination qui continuent à favoriser les relations personnelles aux dépens des compétences, absence de médecine du travail pour les praticiens et de représentation syndicale forte…
Par ailleurs, d’une manière générale, comme le constate dans la réédition de son ouvrage sur le stress au travail, le docteur Patrick Légeron, la France demeure dans tous les secteurs très mal armée face à la prévention du stress et du harcèlement dans le monde professionnel.
Le monde hospitalier n’échappe nullement à cette règle.
Aurélie Haroche