C'est une note de quelques pages. Très documentée. Jamais rendue publique. Ce document repose depuis plusieurs mois dans les tiroirs de l'administration à Bercy. Rédigé par le service de la gestion fiscale, un des plus puissants départements de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) et transmis à la délégation nationale de lutte contre la fraude (DNLF), il est quasiment mis sous clé.
Seul un petit nombre de personnes l'a eu. Même aux membres du conseil des prélèvements obligatoires « la DGFIP n'a pas souhaité communiquer les résultats de ces travaux », déplorent-ils dans un rapport publié la semaine dernière. Des travaux pourtant « importants » puisque « les plus aboutis jamais réalisés en matière d'estimation de la fraude à la TVA. »
Mais qu'est-ce qui embarrasse tant Bercy ? Peut-être une phrase glissée dans cette note que « le Parisien » - « Aujourd'hui en France » a pu consulter : « Un montant de fraude estimé à 17 Mds€ en 2012*. » Or, rappellent les fonctionnaires de Bercy dans ce document interne, « ce montant de manque à gagner de TVA apparaît plus élevé que celui présenté lors des précédentes évaluations (entre 10 et 12 Mds€) ». A l'origine de cette réévaluation, un changement de méthode de calcul. Utilisant de nouveaux modèles mathématiques, les fonctionnaires se sont replongés dans les conclusions des quelque 46 000 contrôles fiscaux réalisés chaque année. Constatant que « 1,2 % des entreprises concentrent plus de la moitié des rappels » de TVA, ils ont cette fois-ci mieux pris en compte les fraudes de grande ampleur.
Un aveu d'échec
« Ce n'est qu'un document de travail interne réalisé par un chef de bureau. Ce n'est pas une note officielle, elle n'est pas validée », démine-t-on au ministère des Finances, où l'on rappelle que « les estimations de fraude peuvent, par nature, être erronées ». « Pour certains dirigeants de Bercy, communiquer sur une estimation de la fraude, c'est presque un aveu d'échec, rétorque un agent bien renseigné du fisc. Délicat, en effet. D'autant qu'à en croire les membres du conseil des prélèvements obligatoires, « les résultats financiers du contrôle fiscal en matière de TVA présentent des marges de progrès ». Mais encore ? « Ces résultats connaissent en effet une stagnation depuis une dizaine d'années autour de 3 Mds€, soit un niveau relativement faible si on le compare au montant de fraude estimé. » Et plus le montant de l'estimation de la fraude augmente, plus l'écart avec les performances réelles de l'administration se creuse...