En ville et à l'hôpital, la biologie médicale participe pour 70 % aux diagnostics et emploie plus de 60.000 collaborateurs spécialisés. Ici un laboratoire médical, rue de Turbigo à Paris.
Les laboratoires de biologie médicale de quartier vont-ils disparaître ?
La biologie médicale n'avait pas été réformée depuis près de quarante ans. C'est chose faite depuis la loi adoptée le 30 mai 2013, une loi d'autant plus importante qu'il devenait urgent de préserver la spécificité de la biologie médicale française par rapport à celle des autres pays européens. En effet, la France se distinguait, encore récemment, tout d'abord par le nombre de ses biologistes (16,5 pour 100.000 habitants), largement supérieur à la moyenne des autres États membres de l'Union européenne (5,8 en moyenne) ; ensuite, par un nombre important de structures de proximité (3 700) avec près de 60 % de petites structures de moins de dix salariés.
En France, les laboratoires de biologie médicale, hospitaliers et privés, et les 10.000 pharmaciens ou médecins biologistes médicaux hautement qualifiés (bac + 10/12) qui y travaillent tiennent une place centrale dans le parcours de soins des patients, puisqu'en ville et à l'hôpital cette discipline participe à 70 % des diagnostics médicaux et emploie plus de 60.000 collaborateurs spécialisés, les techniciens de laboratoire médical.
Connaissance biologique des maladies
Les biologistes médicaux acquièrent au cours de leurs études la maîtrise des techniques diagnostiques et la connaissance biologique des maladies, dans tous les domaines, des plus classiques à ceux qui demandent des connaissances de pointe: bactériologie, virologie et hygiène hospitalière, biochimie, biologie de la reproduction, génétique, hématologie, immunologie, parasitologie, mycologie et risques environnementaux, pharmacologie-toxicologie, thérapie cellulaire, thérapie génique. Ils permettent à l'équipe de soins de cibler les traitements pour chaque patient en fonction de son âge, de son sexe, de sa maladie, au stade précis de son évolution, selon qu'il prend tel traitement, tel régime alimentaire, tel régime liquide et par rapport aux résultats d'examens antérieurs. Il faut savoir aussi que la France est l'un des rares pays occidentaux où les résultats des examens de biologie médicale sont rendus très vite, alors qu'il faut compter souvent plusieurs jours en Allemagne, par exemple.
Proximité géographique pour le patient, présence de professionnels hautement compétents, rapidité dans le rendu des résultats sont des atouts que la France entendait préserver pour l'avenir. Chez nos voisins européens, une autre logique a prévalu, plus industrielle, avec la progression de «plateaux techniques» moins nombreux, dotés d'automates de très grande capacité, installés dans des locaux de type industriel, mais privant le patient de tout dialogue et d'un suivi personnalisé avec «son» biologiste médical. Et, de même que le patient se retrouve réduit à un simple code-barres sur un tube, les biologistes ne sont considérés que comme de simples prestataires de service. La France pouvait-elle accepter pour autant de s'aligner sur ce système au nom de la liberté d'installation en Europe? Mais, pouvait-elle empêcher laCommission européenne de l'obliger à ouvrir le capital des laboratoires d'analyses médicales privés à des non-biologistes alors qu'elle-même n'avait pas pris la précaution d'affirmer juridiquement que les biologistes étaient bien des professionnels de santé?
La biologie médicalisée peut être un facteur de maîtrise des dépenses
C'est donc finalement en poussant la France à porter le débat devant la Cour de justice européenne que, désormais loi à l'appui, la France peut affirmer le caractère médical de la discipline: l'analyse en biologie devient un examen de biologie médicale qui apporte une réponse à une question clinique par un examen approprié. C'est aussi reconnaître que la biologie médicalisée peut être un facteur de maîtrise des dépenses de santé. Dorénavant, le biologiste médical interprétera l'ensemble des résultats des examens qu'il réalise et tout patient peut demander à s'adresser à un biologiste médical sur tous les sites d'un Laboratoire de biologie médicale (LBM multisites) pour commenter son bilan biologique. Le biologiste médical pourra aussi, si nécessaire, entamer un dialogue avec le prescripteur en vue de modifier la liste des examens à réaliser, et ainsi lui proposer, en fonction des référentiels publiés par la Haute Autorité de santé, des examens adaptés à la question posée. Il pourra même réaliser des examens à la demande du patient, à condition de formaliser son accord par écrit et de l'informer que l'examen ne sera pas remboursé.
Même si la loi est censée aider les biologistes à maîtriser leur outil de travail face au mouvement de concentration et de financiarisation du secteur de la biologie médicale, même si le rôle des agences régionales de santé est renforcé sur les opérations d'acquisition et de fusion des laboratoires, la biologie de proximité est désormais soumise à une série de contraintes administratives et financières auxquelles les biologistes médicaux n'auront peut-être pas les moyens de répondre.
Encourager la mutualisation
En effet, en faisant le choix ambitieux de faire reposer la médicalisation sur l'accréditation obligatoire d'ici à 2020 des laboratoires pour l'ensemble des examens qu'ils pratiquent, la loi place très haut le niveau d'exigence pour que tous les patients bénéficient de la meilleure prestation sur l'ensemble du territoire. Car la mise en place d'un tel système suppose un même investissement financier et humain, qu'il s'agisse d'un laboratoire de 10, 50 ou 100 personnes! C'est pourquoi il faut encourager la mutualisation entre biologistes médicaux avec des solutions partagées pour leur permettre de rester concurrentiels tout en assurant un service de qualité mais aussi de proximité au patient.
Sans vision stratégique d'ensemble de la place de la biologie médicale dans le système de soins, le risque n'est pas négligeable de voir la situation ne pas être maîtrisée. Il faut donc que l'État s'attelle maintenant à ce chantier, aux côtés des professionnels, et s'applique les mêmes exigences de «management de la qualité» que celles que l'on entend exiger des professionnels eux-mêmes.