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La France sclérosée par les normes
 |  Auteur: admin
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« Dératisation » 09/02/2014 à 18h35

Rats et toilettes : la vie d’une commune « sclérosée » par les normes


Au premier étage de la mairie de Mazères-Lezons, l’armoire à dossiers (Emilie Brouze/Rue89)

(Des Pyrénées-Atlantiques) Branchez un élu sur l’inflation normative et vous risquez de le tendre des lombaires jusqu’au ras du cou. Ça fonctionne avec Monique Sémavoine, maire de Mazères-Lezons, 2 046 habitants, qui s’époumone : « On est sclérosés ! » L’édile en campagne, qui termine son premier mandat, ne s’arrête plus :

« On croule sous les normes, ça devient débile. Ce sont elles qui plombent nos budgets. »

Les normes – la France en a 400 000 en stock – s’empilent toujours plus, changent tout le temps, se contredisent parfois. Le chasseur de normes et maire du Mans Jean-Claude Boulard résumait d’une jolie formule ce « mal français » :

« Il en est des normes comme du poivre et du sel. Leur absence comme leur excès rend le tout inconsommable. »

« Divagation d’animaux »


La mairie, rue Général de Gaulle à Mazères-Lezons (E.B./Rue89)

La mairie de Mazères-Lezons, petite commune collée à Pau, a un intérieur un peu vieillot, égayé de quelques plantes vertes et d’un tapis rouge. Le dégradé moutarde du carrelage est assorti à l’imprimé à carreaux de la tapisserie – on dirait le manteau de Sherlock Holmes au mur.

Dans l’armoire en fer, les dossiers sont rangés comme des sardines dans une conserve. S’y trouve notamment la pochette « frelons asiatiques », « dératisation » ou encore « divagation d’animaux ».

Alain Domenech, le « monsieur juridique » de Mazères-Lezons, dit qu’il comprend les élus qui se sentent « désarmés ». Il a vu ce mardi matin un reportage sur BFM-TV où un maire du Maine-et-Loire veut tout plaquer à quelques semaines des élections : la fonction, estime-t-il, est devenue écrasante et trop complexe.

Le directeur général des services (DGS) est « toujours à l’affût » : la veille juridique, même dans une petite commune, est une affaire quotidienne. « Quand il y a un texte de loi, il donne lieu à des décrets d’application et des circulaires interprétatives pour les comprendre », détaille-t-il.

« Avec une telle profusion de textes, on passe plus de temps à remettre aux normes qu’à construire. »

 

Les placards à la mairie (Emilie Brouze/Rue89)

Une habilitation pour changer une ampoule

Dans une mairie, pour changer une ampoule, l’agent qui visse le bulbe doit obligatoirement avoir une habilitation. A Mazères-Lezons, une personne a été formée pour avoir quelques notions d’électricité. « Mais tout le monde le fait, même moi », balaie Alain Domenech.

« Un simple curage d’un cours d’eau peut devenir toute une aventure », ajoute le DGS. Ça pose problème : une fois, il a fallu attendre deux-trois mois l’autorisation administrative pour enlever les branches et la boue qui obstruait un ruisseau. Alors, au moment des dernières pluies, Madame la maire n’a rien demandé à personne pour curer l’exutoire du canal du moulin :

« J’ai dit “Je m’en fous, on va le faire”. »

Monique Sémavoine insiste :

« Je ne dis pas qu’il faut faire n’importe quoi mais qu’il faut faire preuve de bon sens. »


Monique Sémavoine, le 4 févier 2014 (Emilie Brouze/Rue89)

« Les normes, ça part souvent d’un bon sentiment », affirme Alain Domenech. « Mais on a l’impression que ceux qui décident manquent un peu de terrain. » Monique Sémavoine explique que c’est la « technocratie toute puissance » de ceux qui posent rarement un soulier vernis dans une salle communale. Ceux-là aussi qui ont changé l’intitulé de toutes les fonctions.

Normes

Bien que les gendarmes doivent être physiquement aptes, les logements de gendarmerie sont soumis aux normes en faveur des handicapés.

Autre exemple qui illustre la tendance à tout vouloir normer : les agents qui assurent les cérémonies funéraires doivent être titulaires d’un diplôme national.

En mars dernier, le maire PS du Mans Jean-Claude Boulard et Alain Lambert, président de la Commission consultative d’évaluation des normes, remettaient au Premier ministre un rapport [PDF] sur le trop-plein de normes en France.

Avec dedans la palme des normes les plus absurdes : celle de la taille des œufs durs et des nuggets à la cantine, de l’obligation d’aérer les bâtiments publics en ouvrant la fenêtre (si, si) ou encore sur les normes sismiques là où le sol n’a jamais tremblé (logique).

« Ça nous paralyse »

La chasse au normes est une promesse de François Hollande qui a engagé son « choc de simplification ». Le coût des normes nouvelles supporté par l’Etat est estimé à 728 millions d’euros en 2011.


Dans la mairie (Emilie Brouze/Rue89)

« Ça nous paralyse », estime Alain Domenech. Pour Monique Sémavoine, l’inflation normative handicape davantage les plus petites communes, « au point de rendre des projets irréalisables ». Car les coûts grimpent, pas les budgets (Mazères-Lezons compte environ 1,5 million d’euros de recettes par an).

« Il faut faire un peu plus confiance aux élus locaux », appuie la maire qui envisage de défier l’administration pour la rénovation de la mairie, programmée pour 2014. Monique Sémavoine admet avoir déjà filouté les textes plusieurs fois. Et détaille à Rue89 trois cas de casse-tête normatif.

1

« La mairie raisonnable » : avec ou sans ascenseur ?

 

En grimpant l’escalier de la mairie pour l’accueil, le visiteur fait face au « mur des Présidents » (c’est l’expression de la maire). Monique Sémavoine a récupéré les photos des anciens : de Gaulle, Pompidou ou Sarkozy prenaient la poussière dans le grenier.

« Hollande est dans la salle des mariages », rassure-t-elle.


Le « mur des Présidents » à la mairie de Mazères-Lezons (Emilie Brouze/Rue89)

Cet escalier incarne le « cas de conscience » de la maire et de ses cinq adjoints. Logiquement, il n’est pas conforme à la loi d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, applicable au 1er janvier 2015 : il n’y a pas d’ascenseur à la mairie et l’accueil, comme les bureaux, se trouvent pour l’instant au premier étage. Les toilettes et les portes de la mairie ne sont pas non plus adaptées. Il faudrait aussi refaire le comptoir de l’accueil avec une partie basse à la hauteur des personnes en fauteuil.


L’armoire des clés, à la mairie (E.B./Rue89)

Ça va faire un an que l’équipe municipale prépare l’étude technique et financière de la réhabilitation du bâtiment. Monique Sémavoine :

« La mairie de nos rêves coûtait 1 million d’euros. On a ri jaune quand on a regardé combien on pouvait mettre : 350 000 euros. »

« Sinon, ils me le paient ! »

Ils ont alors enlevé le superflus pour opter pour « la mairie raisonnable ». Mais l’ascenseur plombe le budget du projet.

« C’est pas gagné », mais la maire a un plan : déménager l’accueil dans l’espace garage du rez-de-chaussée et réaménager le premier étage pour les bureaux du personnel et des élus, en prévoyant l’espace nécessaire pour l’ascenseur. Puis attendre de « renflouer les caisses » pour l’installer.

Les demandes de subventions sont envoyées et les travaux pourraient commencer à l’automne. Mazères-Lezons serait quasiment aux normes début 2015. Monique Sémavoine :

« Je vois énormément de mairies qui n’ont pas engagé d’études, qui ne sont pas prêtes pour 2015 car il faut de l’argent. Je verrai si les autorités sont conciliantes avec mon dossier. Sinon, ils me le paient à 100%, l’ascenseur, et je le fais tout de suite ! »


Dans la mairie, la salle des mariages et du conseil au rez-de-chaussée (Emilie Brouze/Rue89)

2

Les poteaux du trottoir : « Enlevez-moi ça ! »

 

Les 600 mètres de voirie, derrière l’église, ont coûté 600 000 euros, réfection du réseau, piste cyclable et palmiers compris. On la surnomme « la promenade des Anglais », plaisante un homme qui passe sur un vélo.

Au niveau des passages cloutés, une fine bande podotactile (BEV dans le jargon, pour bande d’éveil et de vigilance) recouvre le trottoir pour indiquer aux non-voyants le passage protégé. Elle doit bien sûr être conforme aux normes en vigueur.

Des poteaux ont également été plantés de chaque côté des bandes et positionnés à 30 cm du bord. Sauf qu’à la sortie du rond-point, la piste cyclable est plus étroite et le poteau gênait le passage. Madame la maire les a fait déplacer au ras du trottoir.

« Un enfant sur un vélo à toutes les chances de se prendre le piquet », argumente-t-elle.


La piste cyclable et les poteaux, déplacés au bord du trottoir (Emilie Brouze/Rue89)

Plus loin, Monique Sémavoine a carrément demandé à enlever ces petits poteaux sur un côté du passage piéton. Fixés au milieu du trottoir, ils empêchaient poussettes ou fauteuils roulant de passer.


Sur ce côté du trottoir, il n’y a plus de potelets (Emilie Brouze/Rue89)

La maire dit avoir demandé au chef du chantier de lui montrer les textes relatifs aux positionnements de ces piquets. Il est noté qu’ils sont pour l’instant « recommandés » et non obligatoires. Pour Monique Sémavoine, les ôter étaient « une question de bon sens ».

Les potelets et le trottoir

Elle montre ensuite du doigt le panneau carré bleu qui indique la fin de la voie cyclable, au bout de la rue. Elle a demandé qu’il soit fixé au lampadaire, pour éviter un pilier supplémentaire sur ce morceau de route. La maire sourit :

« Sur les chantiers, ils vont au plus efficace : je les oblige à s’ébouriffer la tête. »

3

La salle polyvalente : ni vu, ni connu

 

La mairie avait confié à un cabinet le dossier de réhabilitation de la salle polyvalente, construite en 1984. Et là, « patatras » : « Nous découvrons que nous sommes dans une zone de neige. » Conséquences : il faut renforcer la toiture ; refaire les murs pour supporter la toiture ; refaire les fondations pour élever les murs.


La maire dans la salle polyvalente (E.B./Rue89)

« Bref, tout refaire. Tout ça pour répondre à un risque de neige alors qu’on n’en a jamais vu une telle épaisseur. »

Mais Alain Domenech découvre une subtilité : en cas de rénovation, une municipalité peut s’affranchir de certaines normes techniques imposées à des bâtiments neufs. Monique Sémavoine :

« Alors on a repris tout le document, effacé le mot réhabilitation pour mettre rénovation. Le projet est exactement le même et il passe. »

« On attend la neige »


La salle polyvalente (E.B./Rue89)

Pour la « rénovation », la mairie a conservé le toit, a fait faire une isolation phonique et thermique en respectant les normes de désenfumage. Inaugurée en septembre dernier, les travaux de la salle ont coûté 550 000 euros hors taxe. L’élue note :

« Si le projet avait été dans la ville de Pau, ils auraient sûrement voté ce qu’il fallait et ça aurait coûté deux fois plus cher. »

« On attend la neige », ironise la maire.

Si elle est réélue en mars, Monique Sémavoine a le projet de s’atteler à la salle Marcelle Courtois, située face à la salle polyvalente. Il faudrait entre autres refaire la cuisine, qui n’est plus aux normes : quand il y a des locataires pour des évènements, ceux-ci ne peuvent pas l’utiliser. La maire précise en souriant :

« Ce sera une rénovation. »


La salle Marcelle Courtois à Mazères-Lezons (Emilie Brouze/Rue89)

 


Posté le:Lundi 10 février 2014 @ 08:42:55       Page Spéciale pour impression Envoyer cet Article à un ami     Précédent |  Suivant

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