Lettre au conseiller du Président de la Républiique

Date : mardi 08 juin 2010 @ 20:34:19 :: Sujet : News générales

Monsieur le Conseiller Présidentiel,

 

           

 

 

                                               J’exerce en tant que médecin biologiste dans un laboratoire privé, comme il en existe environ 4000 en France, et  je vous écris aujourd’hui pour attirer votre attention sur des faits potentiellement très préjudiciables à notre profession, et à la santé publique dans un ordre d’idée plus général.       

Monsieur Jean-Marie Rolland, en charge de la santé auprès de l'UMP et ex-conseiller de la loi HSPT, nous a vivement conseillé de vous rencontrer à ce sujet.

                                                 Le 15 janvier 2010, a été publiée l’ordonnance  relative à l'organisation future de la biologie médicale en France, qui   a  immédiatement provoqué une véritable levée de boucliers et un rejet par une très grande majorité de biologistes. Une coordination « biologistes-en-colère » a été mise en place et recueilli  deux mille signatures de biologistes  et une pétition pour les patients « touche pas à mon labo » commence à  circuler avec un succès sans cesse grandissant.

 

                                               Nous n'arrivons pas à comprendre la volonté de réformer une profession qui satisfait tous les ans plus de 95% des français et un sondage publié il a quelques années par LCI indiquait que c’était la deuxième profession après les pompiers, en laquelle les Français avaient le plus confiance.

 

Aujourd’hui :

 

                                               1) En terme de qualité, cette profession subit un contrôle de qualité national classant et sanctionnant des erreurs - le seul contrôle national mensuel organisé à ce jour pour une profession en France- avec plus de 96% de bonnes réponses!

 

                                               4000 laboratoires privés qui se répartissent dans toutes les régions, permettent  à nos concitoyens d'obtenir un résultat biologique en moins d'une heure si nécessaire, ceci grâce à l’implication personnelle d'un véritable professionnel de santé qui accueille le patient, le prélève, pratique l'analyse et rend un résultat en accord avec la clinique.

 

                                    Saviez-vous que, par exemple, sur la côte Ouest des Etats-Unis, pour obtenir une simple analyse de Numération Formule sanguine, il faut parfois faire une centaine de kilomètres avec un résultat pour le lendemain (à l'heure actuelle, en France, cette analyse est réalisée à tous les instants et,  peut être rendue en moins de cinq minutes !!!).

                                   Vous comprendrez facilement pourquoi les Français et ceux ayant la doubles nationalité préfèrent venir en France pour leur prise de sang !

 

                                               2) En terme d’urgence, cette profession prend en charge la réalisation des analyses d’urgence au quotidien dans le cadre de la proximité, et   la réforme mise en place ne permettra plus leur  prise en charge comme  dans les situations suivantes :

 

  • Saignement ou troubles de la coagulation
  • Suspicion de phlébite ou d'embolie pulmonaire
  • Suspicion d'infarctus
  • Suspicion de paludisme et notamment sa forme grave neurologique
  • Sérologie de la grippe et autres sérologies infectieuses.
  • Urgences bactériologiques telles que la pyélonéphrite

- …

                                               En effet, toutes ces analyses plus délicates  ne pourront plus  être réalisées dans ces nouveaux  laboratoires « boîte-à-lettres »,  focalisés sur  l'aspect automatisable et  ultra-rentable des analyses. Et les patients seront alors redirigés vers  les urgences des hôpitaux, déjà  complètement asphyxiées. !

 

 

 

                                               De même, la réforme mise en place oublie la place de la bactériologie, spécialité délicate  difficilement automatisable, peu compatible avec les nouvelles contraintes industrielles, qui représente 25% de nos actes et qui se doit d'être cohérente depuis l'accueil du patient, l'inspection des lésions, les prélèvements et les milieux de culture utilisés en conséquence avec souvent la nécessité d’un examen extemporané.

 

                                               3) En termes de proximité, cette profession assure les prélèvements  tous les jours au domicile des patients, participant à leur réinsertion rapide.

Que pourrons-nous faire demain face à  une personne ayant une jambe dans le plâtre, une femme enceinte, une  personne âgée, prélevés à leur domicile, alors que nous constatons un besoin accru de ce service?

 

 

                                               Demain :

 

                                               La réforme proposée impose une vision industrielle de l’échantillon biologique depuis son  prélèvement jusqu’aux immenses plateaux techniques en passant par son transport.

                                               Elle  s’inspire des normes américaines qui procèdent toutes de cette  philosophie industrielle: «  n'importe qui doit pouvoir pratiquer une analyse juste en suivant la procédure » …

Ces normes sont adaptées à la vision industrielle développée  aux Etats-Unis, où des techniciens BAC 4, qui n'ont jamais vu de patients, dirigent des gigantesques usines à analyses.

Avec les conséquences que l’on imagine au niveau de la qualité du  résultat…

 

Ce qui explique  d’ailleurs que dans ce pays  les médecins soient amenés à envoyer les échantillons des patients à deux laboratoires différents, tant ils n'ont pas confiance et c'est pour eux le seul moyen de contrôler l'exactitude des résultats retournés depuis la côte Est où sont concentrés la majorité des laboratoires.

 

Ceci, après un transport par avion d'échantillons pendant plus de douze heures (impact carbone désastreux) pour des analyses pouvant être rendues en France par un laboratoire de proximité en moins d'une heure.

 

Ces normes appliquées au système français constituent une régression considérable, car elles paralysent toutes les facultés de raisonnement, de créativité, de recherche,  développés quotidiennement par les laboratoires dirigés par des médecins biologistes (BAC 13) ou pharmaciens biologistes (BAC 12).

 

Dans ce contexte procédurier et industriel où le biologiste ne sera  plus  toujours présent la situation du patient  pourra devenir  quasiment surréaliste quand il recevra un résultat avec mention : «  non conformes car quantité de sang insuffisante  et demande un nouveau prélèvement ». Ceci totalement en accord avec la procédure!

 

 

 

Faut-il, pour tenter de réduire les coûts, tirer tout vers le bas et négliger constamment le facteur humain ?

 

 

 

De plus ces normes génèrent un surcout de contrôles répétés, incessants et  générateurs de  consommation excessive de réactifs et d’effluents biologiques polluants.

 

                                              Tout ça pour ça ?

 

                        Pourquoi  nos responsables politiques ont-ils choisi de démolir  une profession extrêmement bien  structurée et répondant totalement aux besoins de la population, représentant mois de 2% des dépenses de santé, préférant une aventure périlleuse inspirées de structures industrielles déshumanisées ? 

 

                        Est-cela le  progrès ?

 

Est-cela le grand pays qui protège férocement ses spécificités et ses réussites?                

 

                        Est-cela le grand pays qui dit merci a ces officiers de santé repartis sur tout le territoire et qui, bénévolement, s'occupent de  statistiques de sante publique et de déclarer typhoïde, sida, et une trentaine d'autres maladies obligatoires?

 

                        Est-ce la le grand pays qui permet aux enfants de faire des études en leur assurant d’exercer librement et selon leur conscience, reprenant ainsi le flambeau de leurs vaillants aines?

 

                        Pourquoi déréguler une profession et la livrer au  pouvoir de l’argent  sous le couvert  de la qualité, de l’Europe, de normes procédurières, d’économies de santé,  en sachant que  la première victime sera le patient ?

 

Pourquoi ignorer  le droit de subsidiarité qui garantit à chaque état membre de l’Union européenne la faculté de gérer son système de santé de façon indépendante ?

           

 

                                     Premiers effets et catastrophes

 

 

D'ores et déjà, admirez les conséquences de l'ordonnance:

 

-trois recours en Conseil d'Etat ont été déposés contre cette ordonnance dont un par le Conseil National de l'Ordre des Médecins

 

-des biologistes qui ont participé activement à l'élaboration de cette réforme se sont empressés de vendre leurs structures à un groupe financier, en contre-partie de postes honorifiques.

 

-deux confrères biologistes ayant exercé pendant plus de quinze ans dans le septième arrondissement de Paris, se sont suicidés: de l’avis de proches, leurs difficultés financières conjuguées à la mise à mort de leur avenir professionnel les ayant acculés à cette extrémité.

 

 

 

 

 

A travers vous, Monsieur le Conseiller, nous souhaitons alerter le Président de notre République afin que nul ne puisse dire qu'il n'était pas au courant des conséquences de cette réforme, hâtive, non mûrement réfléchie et définitivement inappropriée à nos structures et mentalités médicales.

 

 

Nous, les signataires de ce courrier, demandons à vous rencontrer et à rencontrer le Président de la République française, afin de vous convaincre :

- que notre seul intérêt est la défense de ce que nous pensons être le mieux pour nos concitoyens

- que nous sommes fiers d'exercer aussi  passionnément notre métier dans des structures libres et autonomes

- que nos intérêts sont principalement dictés par notre conscience

 - que nous retrouvions la sérénité de continuer le travail accompli et que nous serons heureux que nos enfants reprennent le flambeau.

 

                       

 

                           Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Conseiller, à l'expression de nos sentiments distingués.

 

 

 

               NATALIO AWAIDA                   PATRICK LEPREUX 

 

               Médecin biologiste à PARIS          Pharmacien biiologiste à Marseille








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