Laboratoires d'analyses : trois syndicats de biologistes attaquent le géant Cerba en justice ( la Tribune)

Date : vendredi 31 mars 2017 @ 15:05:30 :: Sujet : News générales

Laboratoires d'analyses : trois syndicats de biologistes attaquent le géant Cerba en justice

 Par Jean-Yves Paillé  |  30/03/2017, 16:03  |  1070  mots

Les syndicats des biologistes médicaux (professionnels de santé qui valident les résultats des analyses médicales) passent à l'attaque. Mercredi 29 mars, les trois principales organisations, le Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM), le Syndicat des biologistes (SDB) et le Syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC) ont délivré une assignation pour intenter un procès au Groupe Cerba Healthcare, géant du secteur des laboratoires d'examens spécialisés en biologie. L'assignation a été déposée au Tribunal de grande instance de Pontoise. La date de la plaidoirie n'a pour l'instant pas été déterminée. Il s'agit d'une procédure civile.

Au milieu du mois de mars, le Syndicat des jeunes biologistes médicaux avait annoncé à La Tribune qu'il s'apprêtait à lancer une action en justice contre Cerba dans le cadre d'une opération de fusion (Cerba avec Lexobio). Cette procédure n'a pas été enclenchée. D'une part, parce que la transaction en question n'a toujours pas été finalisée, et d'autre part parce que le syndicat veut aller beaucoup plus loin.

Selon le SJBM, les biologistes de Cerba ne seraient pas indépendants

"Nous attaquons la structure même de la partie de Cerba qui gère les laboratoires de biologie médicale. Nous estimons qu'il y a une fraude à la loi", expose à La Tribune Lionel Barrand, président du  SJBM. En clair, les plaignants considèrent que contrairement à ce que stipule la loi du 30 mai 2013 "portant réforme de la biologie médicale", les biologistes médicaux travaillant au sein de Cerba ne seraient pas indépendants.

"Dans le cadre de cette procédure, nous nous appuyons sur des document publics, pour juger qu'il y a une fraude à la loi. On y retrouve précisément la manière dont est constitué le capital de Cerba et les mécanismes que la société utilise pour exercer son contrôle sur les biologistes", fait valoir Lionel Barrand

Pour rappel, la loi du 30 mai 2013 stipule: "Plus de la moitié du capital social et des droits de vote d'une société d'exercice libéral de biologistes médicaux doit être détenue [...] par des biologistes médicaux en exercice au sein de la société". Elle dit en outre que des entités non-médicales ne peuvent détenir plus de 25% du capital et de droits votes.

"Les 25% sont un leurre", martèle François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes, contacté par La Tribune."Ces documents démontrent que le biologiste de base n'a plus rien à dire dans sa structure", accuse-t-il.

Un document de 468 pages

Les plaignant s'appuient notamment sur un document de 468 pages adressé aux investisseurs dans le cadre d'une émission obligataire. Cerba y évoque les difficultés induites par la législation française et les facteurs de risques que cela génère. La société détaille également des mécanismes pour ne pas perdre la main sur les activités de biologie médicale en France, tout en en assurant se conformer à la loi. Les syndicats de biologistes y voient une "ambiguïté" plus que suspecte.

Page 19, par exemple, Cerba évoque des "accords passés entre les actionnaires des filiales et les biologistes travaillant dans celles-ci" françaises et des "droits de veto pour les actionnaires dans les filiales" et "un contrôle sur les décisions importantes". Cerba précise toutefois qu'il "n'exerce pas de contrôle par le biais de ses actionnaires sur les laboratoires eux-mêmes", puisque les biologistes médicaux détiennent la majorité des droits de vote et de capital, conformément aux dispositions légales.

 

Cerba note bonds excerpt

Jean Philipp, président du SLBC, partie prenante de la procédure, interrogé par La Tribune, assure que ce n'est pas le seul problème. La loi stipule que "le laboratoire doit comporter un nombre de biologistes au moins égal au nombre de sites qu'il a créés", mais nous avons recueilli "des témoignages de délégués salariés qui n'ont plus de biologiste sur leur 'site' repris par cette 'Biologie financière'".

Les syndicats de biologistes s'attaque au moteur de croissance de Cerba

Avec cette procédure, les trois syndicats de biologistes ont plusieurs objectifs. Ils veulent stopper net les opérations de fusion de Cerba en France. "Si nous gagnons, tant que Cerba ne se conformera pas à la loi, il ne pourra plus effectuer de fusions-acquisitions", 
lance Lionel Barrand. Il s'agit du cœur de la stratégie de Cerba healthcare. Le groupe a multiplié les fusions ces dernières années, une dizaine au total (Ketterthill en 2011, Novescia en 2015, JSBIO en 2014). En 2010, au moment ou PAI Partners a pris le contrôle de la société, Cerba  réalisait "seulement" 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. En 2014, son chiffre d'affaires passe à 605 millions d'euros. En 2016, il grimpe à 630 millions d'euros. Le laboratoire de biologie médicale spécialisée créée en 1967 a réussi à devenir le leader européen du secteur.

Les trois syndicats "espèrent également que Cerba rendra l'indépendance et les droits aux biologistes, y compris pour les fusions-acquisitions antérieures à 2013", ajoute Lionel Barrand.

Période délicate pour Cerba

Cette procédure judiciaire est déclenchée à un moment clé pour le géant de la biologie médicale. PAI PArtners, qui avait racheté Cerba en 2010 pour 500 millions d'euros, s'apprête à finaliser une cession de 1,8 milliard d'euros aux fonds PSP et Partners Group qu'il a annoncée fin janvier.

Cerba est toutefois serein et sûr de respecter la législation. Interrogée par La Tribune à la mi-mars, la direction générale de Cerba assure que les biologistes "restent en contrôle des laboratoires dans lesquels ils exercent, et restent, bien sûr, seuls décisionnaires en matière scientifique et médicale" et certifie que les "actionnaires financiers ne sont aucunement présents dans les sociétés de laboratoire".

Cerba explique en outre n'avoir "jamais eu aucun problème à se conformer avec ces règles". Les acquisitions "menées avant comme après l'entrée en vigueur de la loi de 2013 l'ont toujours été dans le plus strict respect des règles applicables. Les transactions n'ont jamais connu aucun blocage, si ce n'est de façon très occasionnelle en raison des problèmes d'interprétation liés à l'empilement des textes, et qui se sont toujours résolus dans le sens préconisé par Cerba".

 
 







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